La voix du désert

Conte

Je te conduirai au désert et là je parlerai à ton cœur.

Osée 2:16
 Il y a très longtemps, dans un désert où le vent sculptait les montagnes, vivait un berger nommé Osée. Il vivait simplement, avec ses moutons. Ce n’était pas un homme de pouvoir, ni de guerre. Il n’avait qu’une seule arme : une parole vraie. Une parole qui ne grondait pas, mais révélait et ramenait chacun vers sa propre singularité et fidélité intérieure.
 
Un jour, une jeune femme du village perdit sa voix. Sa parole se retirait chaque fois qu’elle voulait dire quelque chose d’important.
 
Alors, la femme du village vint trouver Osée.
 
Elle lui dit:
 
« Je n’ose plus parler. Dès que je veux parler, quelque chose en moi se referme. Quand j’essaie, je me tais. J’ai peur du regard des autres. Parfois je voudrais me cacher. Quand je veux dire qui je suis, rien ne sort. Mes mots se perdent. J’ai peur d’être vue ou de ne pas suffire. On m’a dit que tu pouvais m’aider. »
 
Osée la regarda longuement, et répondit seulement :
 
« Viens. Je te conduirai au désert, et là je parlerai à ton cœur. »
 
La femme fut surprise. Il n’offrait pas de recettes miracles. Il offrait le désert… et le cœur.
 
Osée l’emmena loin du village. Pendant des heures, ils marchèrent ensemble dans le silence, là où aucun bruit ne vient troubler l’écoute de soi, là où aucun bruit n’existe, sauf celui du vent et de sa propre respiration. 
 
Pas un mot.
 
Juste la présence.
 
Et au fur et à mesure qu’ils marchaient en silence, la femme sentait quelque chose changer en elle. Ses tensions se relâchaient, sa peur diminuait, et une force nouvelle naissait. 
 
Quand ils s’arrêtèrent enfin, Osée dit :
 
« Écoute. Le désert n’est pas un endroit vide. C’est un endroit où l’on s’entend enfin. »
 
Le silence autour d’elle n’était plus menaçant. 
 
« Ce n’est pas ta voix qui manque. C’est ton cœur qui étouffe sous tout ce que tu crois devoir être. Ici, personne ne te juge. Ici, tu peux revenir à toi. »
 
Alors elle pleura de longues larmes. Des années de retenue, de perfection, de “je dois”, de “je ne peux pas”, de “je ne suis pas assez”. Elle pleura jusqu’à ce que la tempête se calme.
 
« Maintenant parle. » dit Osée. « Mais parle d’abord à ton cœur. »
 
Elle inspira profondément, sentit la terre sous ses pieds, son ventre se dénouer, sa poitrine s’ouvrir et elle se releva. Et elle prononça, les yeux grands ouverts, pour la première fois depuis longtemps, une phrase simple, vraie, fragile : 
 
« Je suis. »
 
Sa voix tremblait, mais elle était vivante. Sa parole devint présence, sa vérité toucha les autres, et elle se révéla à elle-même. Dans ce cœur à cœur, son masque tomba et elle retrouva sa voix, celle qu’elle avait cachée dans le bruit du monde. Dans le silence, elle sentit ses peurs se dissoudre. Et lorsqu’elle parla enfin, sa voix tremblait, mais elle était vraie.
 
Osée sourit :
 
« Voilà. Ta voix n’a ni besoin de force ni de performance. Lorsqu’elle parle depuis le cœur, elle touche le cœur des autres. »
 
La légende raconte que la femme revînt au village transformée.
 
Elle parlait désormais depuis un endroit plus profond, plus libre, plus vivant. Et sa parole touchait, parce qu’elle était habitée et elle se révéla à elle-même.Et depuis ce jour, on dit que ceux qui perdent leur voix entendent, un soir ou un matin, un murmure venu de loin.
 
« Viens au désert, je parlerai à ton cœur. »
 
Conte librement inspiré de la phrase biblique d’Osée 2.16